L'impact persistant du conflit sur les apprenants en Syrie et en Colombie
Fin de l’année 2023, un nombre record de 117 millions de personnes ont été forcées de fuir leur maison à cause d’un conflit, de la violence ou de la persécution, avec presque la moitié d’entre elles ayant moins de 18 ans (UNHCR).
Ce déplacement forcé interrompt leur apprentissage, leur développement et leur bien-être mental (Hou, Wai-Kai, et al, 2020).
Dans les zones de conflits, les enfants sont confrontés de manière disproportionnée aux déplacements forcés, mais aussi à la violence, à l'augmentation de la pauvreté, aux traumatismes et aux niveaux toxiques de stress. Dans les contextes fragiles, un enfant ou un jeune sur cinq souffre de troubles mentaux légers ou graves (Hou, Wai-Kai, et al, 2020).
Depuis plus d’une décennie, le Norwegian Refugee Council (NRC) a mis en place le Better Learning Programme (“Programme apprendre mieux “ - le produit d'une coopération de longue date entre NRC et l'Université arctique de Norvège à Tromsø), une intervention de soutien psychosocial en salle de classe, pour aider les enfants à se rétablir de niveaux élevés de stress et de trauma qu’ils et elles ont vécus pendant la situation de crise et de déplacement forcé.
La mise en œuvre du Programme “Better Learning” dans 34 pays, va des exercices de relaxation qui peuvent être effectués à l'école aux conseils personnalisés. Flexible et adaptable, le programme « Better Learning » peut être appliqué dans un large éventail de contextes d'urgence et dans des milieux manquant de ressources. L'impact du programme est encourageant - au cours du dernier semestre de l'année scolaire 2023-2024, 50 à 80 % des enfants ont fait état d'une amélioration de leur bien-être dans six des neuf pays (Niger, Cameroun, Burkina Faso, Syrie, Liban et Soudan) où les résultats du programme « Better Learning » ont été recueillis.*
Un partenariat fort
Ces dernières années, l'UNICEF et NRC ont travaillé ensemble pour apporter aux enfants et aux enseignants un soutien psychosocial et en matière de santé mentale. Cette collaboration vise à étendre et à renforcer l'impact du programme « Better Learning », en atteignant davantage d'enfants, de jeunes et d'éducateurs touchés par une situation de crise. En Syrie et en Colombie, le partenariat a aidé les éducateurs et éducatrices à fournir un soutien psychosocial et de santé mentale adapté aux besoins spécifiques des enfants et des jeunes déplacés.
Sur place en Syrie
En mars 2024, cela faisait 13 ans que la crise syrienne avait éclaté. Le conflit, un tremblement de terre catastrophique et la détérioration de l'économie ont exercé une pression inimaginable sur les enfants et les communautés. L'éducation a été fortement touchée. Près de deux millions et demi d'enfants ne sont pas scolarisés et un million d'autres risquent d'abandonner l'école (OCHA, 2024). Les lacunes existantes en matière d'apprentissage s'aggravent.
Nada, une enseignante de la zone rurale de Damas, déclare qu’être enseignante est maintenant “plus dur que jamais”. Les élèves ont une durée d'attention réduite et sont moins motivés pour apprendre. « En tant qu'enseignants, nous avons la possibilité de les aider à surmonter ces problèmes, ou du moins à en limiter l'impact sur leur avenir », explique Nada.
Depuis 2022, NRC, UNICEF et le ministère de l’éducation syrien ont travaillé ensemble afin d’intégrer la santé mentale et le soutien psychosocial dans les systèmes d’éducation formels à travers le Programme “Better Learning”.
Lors de l’année scolaire 2023-2024, 42 pourcent des 2,780 enfants qui participent au Programme “Better Learning” et bénéficiant d'un soutien intégré en matière de santé mentale et de soutien psychosocial ont fait état d'une plus grande capacité à réguler leurs émotions, d'une amélioration de leur efficacité personnelle et de leurs résultats scolaires.
Plus de 2,300 enseignants ont acquis les compétences, les outils et les techniques nécessaires afin de pouvoir mettre en œuvre le Programme “Better Learning” dans leurs salles de classe, bénéficiant 32,000 enfants dans les écoles formelles. D’ici à 2025, il est prévu d'intégrer le programme dans le programme scolaire officiel.
“Le programme a changé ma façon de penser,” déclare Layan, qui a 12 ans. “Avant, quand j’avais peur, j'avais de nombreuses pensées négatives. Maintenant, je peux contrôler mes pensées et éliminer celles qui sont négatives.”
En Colombie, de l'autre côté du monde
Des taux élevés de syndrome de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété et de comportement suicidaire ont été rapportés par l’Institut National de Santé en conséquence du conflit armé (Instituto Nacional de Salud, Observatorio Nacional de Salud, 2017). Cette situation est aggravée par une crise migratoire permanente et des phénomènes météorologiques extrêmes, qui ont un impact considérable sur l'éducation. Les enfants déplacés se heurtent à des obstacles à l'apprentissage et les écoles sont confrontées à la surpopulation et à des ressources limitées.
Bien que les lois colombiennes rendent obligatoires les soins de santé mentale dans les écoles, il existe un fossé entre la politique et la mise en œuvre, en particulier dans les zones rurales et les zones touchées par le conflit. Pour y remédier, NRC et UNICEF, en coordination avec le Cluster éducation et les partenaires, ont travaillé avec le ministère de l'Éducation pour élaborer un plan de soutien psychosocial pour le personnel enseignant et les enfants, et ont mis en œuvre des activités d'éducation d'urgence.
En 2022, 52 pour cent de 501 enfants dans le nord-est de la Colombie ont montré des améliorations dans leur bien-être grâce au programme, avec une meilleure régulation émotionnelle, une meilleure efficacité personnelle et un meilleur soutien scolaire. Le Programme Better Learning, intégrée à la santé mentale et au soutien psychosocial, a introduit des activités ludiques et non traditionnelles, ce qui a eu un impact positif sur la régulation émotionnelle (Guáqueta, A.H. and Flemming, J., 2024). Les enseignants et les encadrants ont remarqué que les dynamiques de classes et les comportements des étudiant se sont améliorés.
Un enseignant a déclaré, “Le programme m’a aidé à mieux comprendre mes étudiants”, alors qu’un enfant nous a partagé, "J’ai appris à contrôler ma colère et à pouvoir parler de mes sentiments plus ouvertement.”
2025 et au-delà
À l'horizon 2030, NRC s'engage, en collaboration avec des partenaires clés tels que l'UNICEF, à étendre la santé mentale et le soutien psychosocial pour atteindre deux millions d'enfants et de jeunes grâce à l'initiative du NRC « Ensemble pour le bien-être 2030 » ('Together for Wellbeing 2030’) en améliorant encore l'accessibilité et l'efficacité du programme « Apprendre mieux », en élargissant les partenariats stratégiques et en fournissant les ressources et les outils nécessaires à une mise en œuvre efficace et durable.
L'UNICEF et NRC sont engagés et bien positionnés pour répondre au besoin mondial croissant de soutien psychosocial dans le cadre d'urgences de plus en plus nombreuses, en tirant parti de leur expertise pour étendre leurs efforts et atteindre davantage d'enfants, de jeunes et d'éducateurs touchés par les situations de crises, dans le but d'apporter de l'espoir et de la guérison là où c'est le plus nécessaire.
*Pour de plus amples informations sur l’outil de mesure utilisé, veuillez vous référer à cette publication, en notant que les pays cités peuvent avoir utilisé des versions différentes de l'outil : Forsberg, June T.,; Dolan, Carly Tubbs; Schultz, Jon-Haakon. Development and Psychometric Testing of the Student Learning in Emergencies Checklist (SLEC): Measuring Promotors of Academic Functioning and Wellbeing in Palestinian Youth Affected by War and Conflict. Intervention 21(1):p 30-46, Jan–Jun 2023. https://doi.org/10.4103/intv.intv_17_22
Entre 1995-2009, Robert Jenkins a travaillé avec UNICEF dans des postes de programme et de gestion en Ouganda (1995-1997), au Bangladesh (1997-2000), au Myanmar (2000-2003), en Inde (2003-2006) et au Mozambique (2006-2009).
M. Jenkins est membre de plusieurs conseils d'administration, dont le Partenariat mondial pour l'éducation, Education sans délai et le Rapport mondial de suivi sur l'éducation.
M. Jenkins est titulaire d'un doctorat en éducation de l'université de Bath et d'une maîtrise de la London School of Economics. M. Jenkins est marié et a une fille et un fils. Il est citoyen canadien.
Jan Egeland est secrétaire général du Norwegian Refugee Council depuis août 2013, dirigeant des opérations humanitaires avec quelque 15 000 travailleurs humanitaires, au service de près de 10 millions de personnes dans le besoin à travers le monde. De 2021 à 2023, il a été la personnalité éminente de l'initiative The Grand Bargain. À ce titre, il était chargé de promouvoir et de défendre l'avancement des engagements du Grand Bargain afin de mieux servir les personnes dans le besoin. De 2015 à fin 2018, il a été conseiller spécial pour les efforts de médiation de l'ONU en Syrie et a présidé le groupe de travail humanitaire de 23 pays pour la protection des civils syriens et l'accès à ces derniers. M. Egeland a été sous-secrétaire général des Nations unies aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d'urgence de 2003 à 2006, où il a été le fer de lance d'une réforme du système humanitaire mondial. Il a été directeur pour l'Europe de Human Rights Watch (2011-2013), directeur exécutif de l'Institut norvégien des affaires internationales (2007-2011) et conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Colombie (1999-2001). De 1990 à 1997, il a été secrétaire d'État au ministère norvégien des affaires étrangères, où il a coorganisé et co-initié la chaîne norvégienne qui a conduit à l'accord d'Oslo entre Israël et l'Organisation de libération de la Palestine (1993), ainsi qu'à des accords de paix au Guatemala (1996) et ailleurs. Il a reçu plusieurs prix internationaux. En 2006, le Time Magazine a désigné Egeland comme l'une des « 100 personnes qui façonnent notre monde ».