Les fermetures d'écoles dues à la pandémie de COVID 19 ne constituent pas la plus grande menace pour l'apprentissage des enfants

Éditeur:
Global Partnership pour l'éducation
Publié
Thème(s):
Droit à l'éducation
Financement de l'éducation
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Alors que les gouvernements à travers monde s’efforcent toujours de mettre en œuvre des programmes d'apprentissage à distance accessibles à tous les enfants, la crise de l'éducation, exacerbée par la pandémie de COVID-19, ne semble pas faiblir. Toutefois, un livre blanc historique, récemment publié conjointement par les plus grandes organisations de défense de l’éducation dans le monde, vient rappeler que l’actuelle crise de l’apprentissage n’est pas tout à fait nouvelle.

La pandémie de COVID-19 a perturbé le fonctionnement des systèmes éducatifs du monde entier comme jamais auparavant. Au plus fort de la crise sanitaire, environ 1,5 milliard d'apprenants à travers le monde étaient touchés, les écoles de nombreux pays ayant été fermées pendant des mois, afin de contenir la propagation du virus.

Les familles, les communautés et les chefs d'établissements ont également souffert à leur niveau, notamment dans leurs efforts à trouver des alternatives pour réduire au maximum les écarts d'apprentissage. Les gouvernements quant à eux continuent de s’efforcer à mettre en œuvre des programmes d'apprentissage à distance garantissant un accès égal à tous les apprenants, alors que la crise de l'éducation elle continue de s’aggraver à l'échelle mondiale.

Cependant, un récent Livre blanc (en anglais) historique, publié conjointement par les plus grandes organisations de défense du droit à l’éducation au monde, vient nous rappeler que cette crise de l’apprentissage n’est, en effet, pas nouvelle. Elle a toujours été présente.

Crise de l'apprentissage : qu’en est-il réellement ?

Avant la pandémie, les données de la Banque mondiale sur la pauvreté des apprentissages estimaient que 53 % des élèves des pays à revenu faible ou intermédiaire vivaient déjà une situation de « pauvreté des apprentissages » - définie comme le nombre d'enfants de 10 ans qui, dans un pays, sont incapables de lire ou de comprendre une histoire simple dans leur langue (d’apprentissage).

Des projections récentes de l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU) et de l’équipe de la Banque mondiale en charge de la pauvreté des apprentissages ont estimé que ce pourcentage augmentera en raison de la pandémie - d’environ 10 % de plus.

Graphique Commission Internationale sur le financement de l'éducation

Source : Commission internationale sur le financement des opportunités éducatives mondiales (Commission Éducation, 2020). Sur les 53 % d'enfants en situation de pauvreté des apprentissages, 44 % sont des enfants scolarisés, qui ne parviennent pas à atteindre le niveau de compétence minimal requis, et 9 % des enfants non scolarisés. L'équipe de la Banque mondiale estime que 10 % d’enfants de plus se retrouveront en situation de pauvreté des apprentissages en 2020, en raison de l'impact des fermetures d’écoles dues à la pandémie de COVID-19. Ces estimations sont tirées des projections de simulation jugées « pessimistes ».

La majorité de ces nouveaux enfants qui se retrouveront en situation de pauvreté des apprentissages viennent en fait de pays dotés de systèmes éducatifs relativement plus performants. Ceci n’est cependant pas dû au fait que les systèmes éducatifs de ces pays souffriront davantage des effets de la pandémie, mais plutôt parce que les niveaux d'apprentissage sont déjà si bas dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, que les possibilités de réduire leur nombre sont minimes.

Dans les pays aux revenus les plus faibles, 90 pour cent des enfants de 10 ans apprenaient déjà mal avant la pandémie de COVID-19.

Le choc potentiel de cette crise sur le financement de l'éducation

Rien de tout cela ne signifie que la pandémie de COVID-19 n'aura pas un impact énorme sur la crise d'apprentissage - elle en aura sans aucun doute. Les enfants qui n'étaient déjà pas capables de lire avant sont susceptibles de voir leurs cas empirer (car les déficits en termes d'apprentissage risquent de s’accentuer).

De plus, les autres impacts des fermetures d'écoles risquent d’affecter encore plus durement ces enfants. Par exemple, leur nutrition peut être affectée par la suppression de repas scolaires subventionnés ou gratuits, et d'autres services dont ils peuvent bénéficier en allant à l’école.

Cependant, les plus grandes conséquences à long terme sur l'apprentissage seront probablement dues à la crise financière qui s'ensuivra plutôt qu’aux fermetures d'écoles directement. Le Livre blanc dresse un tableau sombre de la hausse des coûts des systèmes éducatifs, à un moment où les financements nationaux et l'aide internationale à l'éducation risquent fort d'être réduits.

Le document expose l’urgente nécessité de combler le déficit de financement de l'éducation à l'échelle mondiale et de cibler le financement sur les approches les plus rentables pour faire face aux problèmes systémiques fondamentaux qui ont provoqué la crise de l'apprentissage.

Rester concentré sur l'apprentissage fondamental

Compte tenu de l’urgence de remédier aux pertes d’apprentissage causées par la pandémie, il existe également un risque que l’accent soit mis sur l’apprentissage assisté par la technologie et sur les enfants nouvellement concernés par la pauvreté des apprentissages.

Cependant, cela risque de détourner l'attention de la crise de l'apprentissage qui existait déjà avant la pandémie, du fait de problèmes structurels fondamentaux. Ce document ne propose aucune solution miracle. Il tire la sonnette d’alarme sur les dommages potentiels que des approches irréalistes et non viables, basées sur l’usage des technologies éducatives, peuvent causer.

Le document préconise également fortement de mettre l'accent sur l'enseignement de base, en se concentrant particulièrement sur le personnel de l'éducation et sur des interventions éprouvées telles que l'enseignement différencié.

Il est ainsi essentiel que les politiques et les réformes du secteur de l’éducation ne soient pas réactionnaires et à court-terme. Si l’on détourne l’attention de la crise fondamentale de l’apprentissage, cela pourrait avoir pour conséquences d’aggraver les écarts entre les niveaux d'apprentissage.

Alors qu’il devient de plus en plus difficile pour les dirigeants politiques de trouver des compromis pour résoudre la crise de l'apprentissage, nous espérons qu'ils tiendront compte de ce conseil.