Transformer notre compréhension du personnel enseignant réfugié et de l’enseignement dans les contextes de déplacement forcé

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Dans les zones d’installation de populations réfugiées, le personnel enseignant contribue plus que tout autre facteur scolaire à l’apprentissage et au bien-être des enfants. Les personnes enseignantes réfugiées sont en outre armées de solides connaissances locales et d’une volonté d’améliorer la réponse aux crises, ainsi que les résultats sur le plan de la sortie de crise. Pourtant, malgré leur rôle crucial et le contexte difficile dans lequel ils et elles assurent la continuité de l’apprentissage, les enseignants et les enseignantes réfugiées ne reçoivent pas toujours le soutien dont ils et elles ont besoin.

Bien que visibles auprès des acteurs et actrices du secteur de l’éducation dans le domaine humanitaire, ils et elles continuent d’être largement ignorés dans les examens sectoriels des systèmes éducatifs nationaux qui orientent la planification pluriannuelle de l’éducation, ainsi que dans les budgets qui prennent en compte les besoins du personnel enseignant. Il convient donc d’accorder une plus grande attention aux difficultés que ce dernier rencontre et de les inclure dans les plans visant à la réalisation de l’ODD 4.

Des conditions d’enseignement difficiles

Le personnel enseignant qui travaille dans les zones abritant des populations réfugiées est confronté à des conditions de travail particulièrement éprouvantes. En effet, les régions où les personnes réfugiées sont autorisées à s’installer sont souvent dépourvues de salles de classe adéquates, de matériel pédagogique et d’autres ressources de base. Les salles de classe sont plus susceptibles d’être surpeuplées, multi-âges, multi-aptitudes et multilingues, surtout dans les premières années, lorsque sont enseignées les compétences de base en matière de lecture, d’écriture et de calcul. Le personnel enseignant est souvent obligé d’enseigner par roulement, couvrant moins de matière en moins de temps, avec des attentes moindres en termes de résultats d’apprentissage. Ils et elles peuvent également être amenées à enseigner des matières dans une deuxième ou troisième langue, ou à recourir à des méthodes pédagogiques hybrides.

Par ailleurs, les enseignants et les enseignantes réfugiées travaillent avec des enfants et des jeunes qui ont vécu ou ont été témoins des souffrances aiguës et chroniques de leurs familles et de leurs proches. Ces enfants et ces jeunes sont plus susceptibles de présenter des troubles de l’apprentissage ou du comportement liés non seulement à l’interruption de leur éducation, mais aussi aux difficultés qu’ils et elles rencontrent au quotidien.

Manque de possibilités de formation

Là où des opportunités de développement professionnel avant et pendant le service existent pour les enseignants et les enseignantes réfugiées, elles tendent à être sporadiques et de qualité variable. La diversité des acteurs et des actrices non étatiques qui apportent un soutien à la gestion et au développement du personnel enseignant dans des contextes de déplacement forcé limite également les réponses prévisibles et durables aux besoins professionnels, personnels et familiaux de celui-ci.

Un parcours professionnel incertain

La plupart des personnes enseignantes réfugiées vivent là où leur droit à la protection internationale est reconnu, ce qui signifie, en somme, qu’ils et elles ont le droit de ne pas être renvoyées de force dans leur pays d’origine. Or, la protection des personnes réfugiées ne garantit pas nécessairement la reconnaissance des qualifications pour l’emploi, ni l’accès à des opportunités de développement professionnel continu lorsque les personnes enseignantes ne sont pas diplômées ou sont sous-qualifiées.

Il est temps de reconnaître le rôle des personnes enseignantes réfugiées

M'Bera refugee camp, Mauritania. Photo: EU/ECHO/José Cendón
Camps pour personne réfugiées M'Bera, Mauritanie. Photo: EU/ECHO/José Cendón

Il nous arrive si souvent de défendre la cause du personnel enseignant et de rendre hommage à leur travail. Pourtant, en tant que personnes responsables politiques et professionnelles du secteur humanitaire, nous nous devons de joindre la parole à l’acte et de respecter notre engagement envers la profession en réimaginant et en transformant notre compréhension commune du personnel enseignant et de la valeur de leur travail dans les contextes d’accueil de personnes réfugiées. Sans un soutien et une reconnaissance suffisants des enseignants et des enseignantes réfugiées, l’accès à l’éducation et les résultats d’apprentissage des enfants touchés par le déplacement forcé resteront précaires et l’objectif 4 des ODD ne sera pas atteint.

Il est donc temps d’accorder aux personnes enseignantes réfugiées le statut et les conditions qu’ils et elles méritent et dont ils et elles ont désespérément besoin ; il est temps de leurs donner une visibilité. Un mouvement vers l’inclusion des personnes réfugiées au sein des systèmes éducatifs nationaux suite à l’adoption du Pacte mondial sur les réfugiés (GCR) en 2018 offre une opportunité d’action. Il s’agit d’accorder un soutien prévisible et durable pour les enseignants et les enseignantes réfugiées, un développement professionnel continu et l’accès à des conditions de travail équitables et décentes.

Vers une compréhension commune des personnes enseignantes dans les contextes d’accueil de personnes réfugiées

Afin d’inclure les points ci-dessus à l’ordre du jour de la Piste d’action 3 – enseignants, enseignement et profession enseignante – du Sommet « Transformer l’éducation », et d’œuvrer en faveur d’une compréhension commune du personnel enseignant et de l’enseignement dans les contextes d’accueil des personnes réfugiées, le HCR, l’INEE et l’Internationale de l’Éducation (IE) organiseront conjointement une réunion dans le cadre du prochain pré-Sommet « Transformer l’éducation » à Paris.

Nous réunirons les représentants et représentantes de gouvernements, des Nations Unies, des organisations internationales non gouvernementales et des organisations de la société civile aux côtés de personnes enseignantes et de jeunes réfugiées du Tchad, du Kenya et du Venezuela pour discuter et débattre des défis suivants :

  1. Qui considérons-nous comme des personnes « enseignantes » dans les contextes d’accueil des personnes réfugiées ? De nouvelles définitions et conditions préalables à l’entrée dans la profession pourraient-elles constituer une partie de la solution à la pénurie mondiale du personnel enseignant ?
  2. Comment, le cas échéant, reconnaître et régulariser le personnel enseignant communautaire et réfugié comme partie intégrante du corps enseignant professionnel dans les contextes d’accueil des personnes réfugiées ?
  3. Quelles sont les limites ou les obstacles des cadres juridiques et des mécanismes de financement actuels, et quelles sont les approches innovantes qui existent pour surmonter les difficultés de financement ?

Cette session sera également l’occasion de donner la parole aux personnes enseignantes et aux jeunes personnes réfugiées afin de leur permettre de partager leurs expériences et de contribuer à l’élaboration d’un programme de transformation des services d’éducation dans les contextes de crise à l’échelle mondiale.

L’un des principaux résultats de cette réunion consistera en un ensemble de recommandations, élaborées par les facilitateurs et les facilitatrices de la réunion représentant l’INEE, le HCR et l’IE, et soumises à l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030 en vue de leur examen et leur inclusion dans les déclarations ultérieures du sommet Transformer l’éducation relatives à la Piste d’action 3.

Nous vous invitons à participer en personne ou via webcast à cette importante réunion qui se tiendra le jeudi 30 juin de 13h00 à 15h00 CET. Nous avons besoin de votre voix pour rendre visibles et mettre en valeur les personnes enseignantes réfugiées lors du sommet Transformer l’éducation qui se tiendra à New York en septembre.

Pour plus de détails, veuillez consulter le programme du pré-sommet ici.

 

À propos de l'auteur 

Chris Henderson est co-président du groupe de collaboration Le personnel enseignant en situations de crises (TiCC) de l'INEE et doctorant au Teachers College, Columbia University, où il étudie les liens entre le développement professionnel du personnel enseignant, la santé mentale et le bien-être dans les contextes d'accueil des personnes réfugiées.

 

 

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles de l'auteur.