Malgré le confinement, Amandine, plus volontaire que jamais !

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Coronavirus (COVID-19)
Apprentissage à distance
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A l’aube du confinement général, l’Afev a lancé l’opération #OnGardeleLien. Le but ? Tout mettre en
œuvre pour poursuivre, dans ces conditions particulières où fracture numérique et illectronisme
menacent de creuser encore le fossé entre ceux qui ont/peuvent/savent et les autres, la lutte contre les
inégalités via le lien social. 

Selon toi, pourquoi le confinement confère-t-il une urgence à ne pas laisser tomber les jeunes accompagnés par l’Afev ? 

En réalité, le rôle de l’AFEV n’a jamais été aussi fort que depuis la mise en route de l’opération #Ongardelelien. Nous intervenons auprès de jeunes et d’enfants qui ont vu leurs difficultés augmenter avec la classe à la maison. Beaucoup de parents ont du mal à apporter leur aide, que ce soit pour des raisons de connaissance de la langue, de temps ou de capacités en telle ou telle discipline. 

Dès l’annonce du confinement le 12 mars dernier, il était donc crucial de maintenir l’engagement autant pour le jeune que pour sa famille, car entre les enfants et les adultes, il y a une différence de perception des événements : les parents ont davantage conscience de l’impératif scolaire que les enfants. Lorsqu’on est jeune, on est plutôt content de ne pas aller à l’école et donc moins réceptif au principe de continuité scolaire. 

C’est un fait, les moyens ne sont pas égaux. Par exemple, imprimer les devoirs, disposer ou pas d’un écran ou d’une pièce tranquille change beaucoup de choses, mais n’est pas donné à tout le monde. Il faut savoir qu’un enfant en face à face avec son mentor est bien plus attentif que par téléphone, où le lien est compliqué à établir. Quand l’AFEV a contacté les parents pour leur demander leur accord de continuité de suivi, des bénévoles ont parfois eu du mal à se faire comprendre : certains parents se sont sentis impuissants à aider ou à maintenir le lien du fait du manque de ressources. Je pense qu’il n’y a pas de meilleure justification à l’initiative de l’AFEV, #Ongardelelien ! 

Comment t’es-tu adaptée aux contraintes de l’accompagnement à distance ? 

Le confinement oblige à s’adapter aux besoins de l’enfant tout au long de la semaine, et non plus pour la seule séance hebdomadaire comme en présentiel. En ce moment, j’accompagne exceptionnellement deux élèves aux profils scolaires très différents et pour chacun, selon les problèmes scolaires et les contraintes familiales, il est important d’assurer un suivi au jour le jour si nécessaire. 

Maxime* a 9 ans. En CE2, il est très sociable et très curieux ; fou de foot, au point que suis devenue incollable sur ce sport ! Mais en classe, il est dissipé et manque de concentration. Depuis que je le suis, on passe beaucoup de temps à travailler sur la confiance en soi. Il est premier de sa classe, mais sa maman ne peut pas l’aider. L’Afev l’accompagne pour qu’il puisse continuer à faire ses devoirs. Tout l’enjeu consiste à lui permettre, le moment venu, d’être en capacité de reproduire en classe ce qu’il accomplit avec moi. C’est un processus long qu’on ne peut interrompre du fait du confinement. 

Quand à Aron*, 6 ans, il  a du mal à canaliser son énergie et en fin de CP, il ne sait pratiquement pas lire. Son environnement familial est compliqué car la fratrie est nombreuse et il y a toujours beaucoup d’animation dans l’appartement. J’ai beaucoup de mal à capter son attention. Dès le début du confinement, la maman m’a dit qu’Aron ne faisait pas ses devoirs, je lui ai donc proposé de m’appeler autant que nécessaire. De deux heures hebdomadaires avant le confinement, on est passé à un suivi de quatre heures réparti sur toute la semaine. On s’appelle en visio conférence sur Messenger, mais il y a toujours quelqu’un pour venir lui chiper le téléphone pour régler les chaînes de la télévision ou faire un jeu. La maman me répète : « Heureusement que vous êtes là, sinon je me sentirais complètement débordée ! » Alors accompagner en présentiel ou à distance, l’important est de ne pas lâcher.

Dans l’ensemble, as-tu le sentiment que les enfants finissent par acquérir les moyens de travailler en suivant la classe à la maison ?

Le confinement exige un appui individuel constant face à cette masse ininterrompue des devoirs reçus. Clairement, l’inégalité entre les familles se situe là, dans leur capacité à suivre leurs enfants (bien souvent plusieurs dans une même famille), face à ce flux. La charge de travail est à mettre en lien avec la situation personnelle de chaque élève. Dans le programme de la journée, il y a souvent des exercices à effectuer sans le support de la leçon. Exemple : Maxime avait un exercice de mathématiques portant sur les parallèles. Je lui ai demandé s’il savait ce que ce sont « des droites parallèles », il m’a répondu par la négative. Souvent, pour exécuter un exercice, tout est à reprendre. Les parents ne sont pas tous les mieux placés pour assumer cela, loin s’en faut. Plus le temps de confinement va s’allonger, plus je crains l’arrivée d’exercices qui comportent des notions qui n’auront pas été apprises à l’école.

L’inégalité face à l’accès au savoir se voit davantage dans cette situation de confinement. Les maths posent problème notamment, mais aussi les SVT, l’anglais, le français, la physique-chimie… Notre travail d’accompagnement est déployé sur davantage de matières. À la fin de chaque séance, je fais le point avec les mamans – en grande majorité, ce sont les mères qui sont le plus investies dans la scolarité des enfants. Je pense que notre efficacité se décline autrement qu’en présentiel, avant le confinement, mais que cet appui marque une nécessaire adaptation au contexte. On a tous dû s’accommoder de la situation : familles, bénévoles, mentorés, même les écoles. Mais si notre présence à distance peut en aider le plus possible, nous serons satisfaits. Dans cette situation de confinement, nous sommes au cœur des activités de l’Afev: la réduction des inégalités, coûte que coûte. Et l’association en sortira grandie. Avant le confinement, quand j’étais au domicile d’Aron, le petit frère, âgé de deux ans et demi, cachait systématiquement mes chaussures pour m’empêcher de partir. J’estime aujourd’hui qu’à distance, je suis plus présente que jamais. 

Sylvia Tabet

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