L’éducation par WhatsApp : permettre aux filles d’apprendre en toute sécurité pendant le confinement au Zimbabwe
« Je veux devenir magistrate, mais j’ai peur. Les filles qui sont mariées ne vont pas pouvoir retourner à l’école. Cela pourrait m’arriver aussi. » Âgée de 14 ans, Coventry craint de plus en plus d’être obligée de se marier après avoir vu deux de ses amies être mariées pendant le confinement.
Au Zimbabwe, la pandémie de COVID-19 a entraîné la fermeture de toutes les écoles primaires et secondaires avant la fin mars 2020. Beaucoup sont restées fermées pendant plus de six mois, certaines ne rouvrant qu’en novembre. Dans certaines communautés, selon les signalements, plus des deux tiers des filles avaient été victimes de décrochage scolaire à la fin de 2020 lors de la réouverture des écoles, en raison d’une grossesse précoce et non désirée ou d’un mariage.
World Vision, partenaire de la Coalition mondiale pour l’éducation de l’UNESCO, soutient l’éducation des filles dans le pays par le biais de son projet Améliorer les attitudes vis-à-vis du genre, la transition et les résultats scolaires (IGATE*) financé par l’UKAID.
Lorsque les écoles ont fermé, IGATE a octroyé aux enseignants et à un réseau de bénévoles communautaires de petits montants de crédit téléphonique, puis les a organisés en groupes WhatsApp où ils ont partagé quotidiennement des activités et des matériels d’apprentissage.
« Je me suis inquiétée de l’augmentation des mariages précoces dans ma communauté » explique Eleanor Moyo, une bénévole communautaire. « Un quart des filles de l’école secondaire la plus proche et deux filles en âge d’être scolarisées dans le primaire ont été mariées. »
Moyo, rescapée de maltraitances quand elle était jeune fille, consacre son temps à s’occuper des filles de sa communauté et à les encourager à poursuivre leurs études. « J’ai aidé à retourner à l’école deux filles en âge d’être scolarisées dans le primaire, qui avaient été mariées. » Elle est fière de tout faire pour lutter contre les pratiques sociales néfastes qui sont des obstacles à l’éducation des filles.
Les groupes WhatsApp et d’autres bénévoles communautaires comme Moyo ont contribué à protéger les filles contre les mariages précoces et d’autres menaces pesant sur leur éducation. Les groupes ont eu une fonction de système d’alerte, aidant à prévenir le nombre croissant de grossesses d’adolescentes et de mariages précoces, et ils ont sensibilisé les enseignants aux politiques d’inclusion.
Les groupes d’apprentissage sur WhatsApp ont également apporté leur soutien à des filles comme Coventry. « Quand je retourne à l’école, je peux être plus forte et étudier davantage parce que je me sens plus confiante que celles qui n’ont pas participé aux groupes d’apprentissage. »
Coventry s’acquitte rapidement de ses tâches ménagères pour pouvoir assister aux groupes. Elle estime avoir de la chance que ses parents veuillent qu’elle apprenne ; les parents de certaines de ses amies ne permettent pas à leurs filles de se joindre aux groupes d’apprentissage à cause des tâches ménagères qu’elles doivent effectuer.
Pour aider à réduire les décrochages résultant des mariages précoces ou des grossesses, IGATE a mis en place d’autres groupes WhatsApp destinés aux dirigeants religieux et communautaires et aux chefs d’établissement, pour discuter de questions comme les grossesses d’adolescentes et la violence fondée sur le genre.
« Récemment, nous avons planifié une réunion avec les parties prenantes locales pour encourager les filles enceintes à retourner à l’école, en nous basant sur la Loi de modification de l’éducation » se souvient fièrement Moyo.
La sensibilisation à la nouvelle loi sur l’éducation, qui rend illégale l’exclusion de l’école des filles enceintes et des jeunes mères et fournit d’autres orientations pour protéger le droit des filles à l’éducation, a été une étape cruciale dans la promotion de la poursuite de leur éducation.
Alors que les écoles commencent à rouvrir et que les restrictions de confinement s’assouplissent, l’activation via WhatsApp de réseaux de « champions locaux » de l’apprentissage et de la sécurité des filles a renforcé les structures de soutien. En date de septembre 2020, quelque 6 000 filles avaient reçu un apprentissage alternatif, notamment sur WhatsApp ou par l’intermédiaire de bénévoles communautaires. IGATE a pour objectif de bénéficier à plus de 30 000 filles marginalisées au Zimbabwe.
Grâce au travail de Moyo et d’autres bénévoles de la communauté, l’espoir est que le plus grand nombre possible de filles retournent à l’école et poursuivent leurs études en dépit de ce qui leur sera arrivé pendant la pandémie. La technologie et les réseaux de soutien utilisés pendant le confinement servent à faire en sorte que les filles marginalisées poursuivent leurs études en 2021 et au-delà.
Au plus fort de la pandémie, plus de 1,5 milliard d’apprenants à travers le monde ont vu leur éducation perturbée par la fermeture des écoles due à la COVID. Dans le cadre de la Coalition mondiale pour l’éducation de l’UNESCO, le programme phare Égalité des Genres a été créé pour sauvegarder les progrès réalisés en matière d’égalité des genres et d’éducation et promouvoir l’autonomisation des filles et des femmes dans et par l’éducation.
*Histoire rapportée par Janelle Zwier-Marongedza, directrice du programme IGATE, World Vision Zimbabwe. IGATE est un projet de consortium conduit par World Vision en partenariat avec CARE international, l’Open University du Royaume-Uni, l’Organisation de développement néerlandaise SNV, l’Union pour le développement de l’Église apostolique au Zimbabwe Afrique et le Forum de femmes Emthonjeni.