Au Sénégal, une planificatrice de l'éducation se démène pour l'égalité des sexes

Editorial:
UNESCO-IIEP
Publicado
Tema(s):
Genre
Education inclusive
Plannification du secteur de l'éducation
Français

Au cours des dernières décennies, le Sénégal a réalisé des progrès majeurs dans l’atteinte de la parité aux niveaux primaire et secondaire. Toutefois, de fortes disparités existent d’une région à une autre. Par ailleurs, les femmes demeurent peu présentes dans les instances de décision des administrations éducatives. Rencontre avec une femme qui bouscule le statu quo.

« Lors de mes études secondaires en sciences, un professeur de mathématiques nous a un jour interpellées : « Vous êtes nombreuses ici, mais vous savez que cette filière (scientifique) n'est pas pour vous, vous risquez de coiffer Sainte Catherine », ce qui signifie dépasser l'âge de 25 ans sans se marier. Ne pas se marier est une honte pour la famille. La plupart de mes camarades féminines ont fini par lâcher les études, et nos professeurs ne nous ont pas encouragées. »

Ce sont les mots de Ndeye Yacine Fall, participante sénégalaise à l'Université de l'IIPE-UNESCO Dakar sur la planification de l'éducation sensible au genre. Elle est Cheffe du bureau Partenariats, Communication, Genre à l’Inspection d’Académie de Thiés (à 70 kilomètres de Dakar), un service décentralisé du Ministère de l'Éducation nationale.

« Je suis chargée de mettre en œuvre la politique du gouvernement visant à maintenir les filles à l'école. Je coordonne cette politique au niveau régional. Après avoir constaté les disparités dans le système éducatif national, le ministre de l’Éducation nationale a créé un département et des « cellules » chargés des questions de genre. Les cellules genre ont des répondants au sein des académies. C'est à nous de faire le plaidoyer, de sensibiliser et de trouver des partenaires qui soutiennent la volonté du gouvernement de réduire les disparités entre les sexes dans l'éducation ». 

Ndeye Yacine Fall est également Secrétaire exécutive régionale du Cadre de coordination des interventions sur l'éducation des filles, une structure mise en place par le ministère de l’Éducation pour favoriser la synergie des acteurs qui interviennent dans la promotion de l’éducation des filles, qu’il s’agisse des pouvoirs publics ou d’organisations de la société civile..

Le droit à l’éducation, un droit humain fondamental pour les filles et les garçons

« Mon approche de l’égalité des sexes dans l’éducation est simple : l’éducation est un droit humain fondamental pour les garçons comme pour les filles. Cela signifie que les filles et les garçons devraient avoir des chances égales de faire valoir ce droit fondamental. Le Sénégal a ratifié de nombreux instruments internationaux reconnaissant tant le droit à l’éducation que l’égalité des sexes. Nous avons aussi des lois et des politiques, comme la Stratégie nationale d'équité et d'égalité entre les sexes (2016-2026). Mais souvent, c’est l’environnement social qui est le premier obstacle à la concrétisation de ces engagements. »

Des défis persistants dans l’environnement scolaire

« La parité entre les sexes dans la scolarisation ne suffit pas à elle seule pour atteindre une véritable égalité dans l’éducation. Malgré les progrès réalisés au Sénégal, les mariages précoces, particulièrement en milieu rural, et les violences de genre en milieu scolaire demeurent une réalité et des études ont montré que cela était directement corrélé aux performances scolaires et aux redoublements. Or, le curriculum n’aborde pas de front ces questions sensibles et nous manquons de données fiables sur certains enjeux pour faire un bon plaidoyer et développer des politiques efficaces. Pour qu'une planification sensible au genre puisse promouvoir l'égalité, il faut aller sur le terrain : mener des recherches, des enquêtes et avoir des données fiables. Les ménages doivent être interrogés, et cela nécessite des ressources financières. Nous allons dans la bonne direction, mais nous ne faisons qu'effleurer la surface. »

Former les acteurs et les actrices de changement

« Nous avons maintenant des postes de conseil en égalité des sexes dans les écoles qui sont réservés aux femmes afin que les filles voient des modèles de femmes qui ont réussi dans la vie. Mais même si nous, les femmes, sommes de plus en plus présentes dans les bureaux, les salles de classe et les ministères, nous n’avons pas nécessairement la formation préalable pour mener un plaidoyer pour l’égalité des sexes. C’est pourquoi j’ai participé à l'Université sur la planification de l'éducation sensible au genre. Cette formation renforce notre capacité à développer notre plaidoyer : nous devons être capables d'argumenter, d'avoir les données et les outils nécessaires pour faire valoir nos droits. »