Prévisions pour la saison des ouragans 2021: enjeux et stratégies de préparation en Haïti

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Topic(s):
Réduction des risques et résilience
Education et fragilité
Préparation et plan de contingence
Geographic Focus
Haïti

La période qui s’étale du 1er juin au 30 novembre est annuellement considérée comme la saison des ouragans dans le bassin de l’Atlantique Nord et dans la Mer des Caraïbes, Haïti fait partie de cette région à risques de catastrophes naturelles et ce pays subit annuellement les assauts des vents des tropiques des  inondations, des glissements de terrain, des cyclones,  etc. C’est l’occasion pour les acteurs humanitaires et autorités gouvernementales de contribuer à la valorisation des opportunités d'accès à un apprentissage de qualité surtout pour les enfants, les femmes et les personnes à besoins spéciaux. Au cours de cette saison, l'éducation pourra également fournir une protection physique, psychosociale et cognitive pouvant aider à soutenir et à sauver des vies.

En général, on définit un « cyclone de type tropical » comme un cyclone prenant forme dans les océans de la zone intertropicale à partir d'une perturbation qui s'organise en dépression tropicale puis en tempête tropicale. Sur le plan structurel, « un cyclone tropical est une large zone de nuages orageux en rotation accompagnée de vents forts ». En fonction de la région, on dit ouragan (ou parfois cyclone surtout en Haïti) dans l'Atlantique nord et le Pacifique Nord-Est alors qu’on parle de typhon en Asie de l'Est et cyclone dans les autres bassins océaniques.   

Source Haiti Météo
  Source : Caribbean Weather Center, 2021

Selon les scientifiques, la saison cyclonique 2021 risque d’être un peu au-dessus de la moyenne (1991-2020) en raison d’un El Niño neutre ou La Niña faible qui sont des indicateurs-clés. En effet, pour la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), il y a une probabilité de 60% d'une saison cyclonique supérieure à la normale, une probabilité de 30% d'une saison proche de la normale et une probabilité de 10% d'une saison inférieure à la normale. De son côté, au regard des signaux météorologiques actuels, l'Université du Colorado annonce une saison cyclonique active et supérieure à la moyenne en se basant sur l’absence probable du phénomène climatique El Niño, comme facteur principal. Par ailleurs, on qualifie cette saison de « précoce » parce qu’il y a eu la tempête subtropicale  baptisée « ANA « qui s’est formée le samedi 22 mai 2021, soit peu avant l’arrivée de la date normale du début de cette saison. Ana était dissipée deux jours plus tard, bien au large des terres. 

 

Des chercheurs indiquent que la saison des ouragans 2021 présente des caractéristiques similaires à celles de 1996, 2001, 2008, 2011 et 2017 qui ont eu une activité cyclonique dans l’Atlantique supérieure à la moyenne» (Klotzbach, 2021).  En effet, pour la saison des ouragans dans l’Atlantique, l’équipe du Colorado State University (CSU) prévoit 17 tempêtes nommées, avec une estimation de 80 jours de tempête nommés, 8 ouragans, 35 jours d’ouragan, 4 ouragans majeurs, 9 jours d’ouragans majeurs. De son côté, l’équipe de « Haïti-METEO » estime que le nombre moyen de tempêtes tropicales pourra être estimé à 18 avec des vents moyens entre 60 et 120 km/h.  En ce qui concerne les ouragans, 8 pourraient naître sur le bassin atlantique contre 6 en moyenne. Les chercheurs prévoient que 4 ouragans majeurs, ceux qui atteignent les catégories 3-4-5, traverseront le bassin atlantique. La moyenne sur 30 ans est de 2,7.

 

Il est à retenir qu’un seul cyclone suffit pour impacter fortement un pays ou une région et laisser une trace de saison catastrophique comme l’a fait Matthew en 2016 en Haïti. Ainsi, les préparations de la saison cyclonique doivent être identiques à celles des autres années quel que soit l’activité prévue au cours de cette période, notamment pour les communautés des zones à risques.

 

Ces prévisions inquiètent certains pays dont la situation vulnérable est précaire sur le plan environnemental, social et économique Par exemple, Haïti qui se trouve actuellement à un carrefour où la population haïtienne fait face à la recrudescence de la COVID-19, des risques d’inondations, des bassins versants dysfonctionnels, l’insécurité généralisée caractérisée par le kidnapping et des conflits entre des groupes armés illégaux. De plus, on ne doit pas oublier le risque sismique ou tremblement de terre  qui est permanent.  

Source Haïti Météo
Monsieur Talot Bertrand, source Haïti Météo 2020

Avec le changement climatique, le pays pourrait souffrir d'autres risques majeurs et causer des dégâts si l'environnement du pays n'est pas pris en charge. Pour faire face à ces phénomènes naturels, il s’avère nécessaire de prioriser une vaste campagne de sensibilisation et d’éducation relative à l’environnement et à la citoyenneté. Une politique de gestion des risques de désastres doit être mise en œuvre dans ce pays vulnérable à ces phénomènes naturels. Il est demandé aux acteurs et partenaires impliqués dans la protection sociale, l’éducation, l’environnement et le développement durable d’accorder le bénéfice de l’urgence à Haïti en appuyant des projets de prévention, de renforcement de la résilience  et de préparation à la gestion de catastrophes naturelles et anthropologiques. Il est, en outre, recommandé à la communauté humanitaire d’accompagner et de promouvoir la conception et la mise en œuvre d’un plan de contingence multirisque pour Haïti avec un accent sur l’approche participative communautaire en lien avec les organisations de la société civile, les leaders communautaires et les collectivités territoriales.  Il est urgent de valoriser les outils et les normes minimales d’éducation en situation d’urgence en Haïti. Ensuite, il est d’une importance capitale de considérer l’éducation comme un axe transversal et une partie intégrante de la planification et des actions de réponses aux éventuelles catastrophes au cours de cette saison cyclonique. Enfin, il est essentiel de mettre l’accent sur une coordination et une collaboration entre l’éducation et les autres secteurs d’urgence en vue de faciliter des interventions efficaces qui répondent aux droits et aux besoins des communautés à risque ainsi qu’à ceux des enfants et jeunes. Ces stratégies de préparation sont en droite ligne avec l’accord d’association Sphère-INEE et le Cluster éducation du Comité permanent inter-organisations (CPI) selon le Manuel des Normes minimales de l’INEE qui a pour « but d’améliorer la qualité de la préparation, des interventions de réponse et du relèvement au niveau de l’éducation, d’accroître l’accès à des possibilités d’apprentissage sûres et pertinentes et de garantir que ces services soient fournis avec responsabilité » (INEE, 2010). 

L'auteur

Talot Bertrand est le Point Focal de l'INEE pour Haïti. Il est formateur de formateurs/formatrices des Normes Minimales de l’INEE. Il est ingénieur agronome et spécialiste de l’éducation sur l’environnement. En Corée du Sud, il a étudié la gestion de la communication et l’information en situations d’urgence impliquant des maladies. Il a obtenu une bourse afin d’étudier la conservation de la biodiversité et de la protection de l’environnement dans le cadre du programme de leadership des visiteurs internationaux du département d'État des États-Unis. Il a travaillé comme chef de la planification et de la mobilisation des ressources dans la direction de la protection civile, où il a servi de référent pour le programme mondial des vivres et du Ministère de la Santé Publique. Il a également travaillé pour d’autres institutions comme le Ministère de l’Agriculture, PAHO-WHO (L’organisation Panaméricaine de la Santé et L’Organisation Mondiale de la Santé) et l’Agence Nationale des Régions Protégées du Ministère de l’Environnement. Depuis 2009, Il fait campagne pour l’éducation et sensibilise le public sur la gestion des risques de catastrophes et la conservation de la biodiversité.